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Économie de guerre et réquisition de l’épargne : une menace pour les citoyens ?

Dernière mise à jour : 24 mars

L’économie de guerre est un concept qui refait surface en période de tensions internationales et de conflits. Il implique la réorganisation complète de l’économie pour soutenir l’effort militaire, notamment en mobilisant les ressources industrielles et financières du pays. Parmi les mesures adoptées par les États, la réquisition de l’épargne des citoyens est une possibilité qui a déjà été mise en place dans l’Histoire. Mais dans quelle mesure cela peut-il se reproduire aujourd’hui ?


1. Qu’est-ce qu’une économie de guerre ?


L’économie de guerre désigne un mode de fonctionnement où un État réoriente massivement ses ressources vers le secteur militaire au détriment de l’économie civile. Cela inclut plusieurs leviers :


  • Augmentation de la production militaire : L’industrie est réorganisée pour maximiser la fabrication d’armes, de munitions et d’équipements militaires.

  • Contrôle des prix et des salaires : Pour éviter une inflation incontrôlée, l’État peut réglementer les prix des biens essentiels et les salaires.

  • Mobilisation financière : L’État doit trouver des financements pour son effort de guerre, ce qui peut passer par des emprunts, la fiscalité et parfois la réquisition de l’épargne privée.


Historiquement, plusieurs pays ont utilisé l’épargne des citoyens pour financer leurs guerres.


2. Mobilisation de l’épargne pendant les guerres du XXe siècle


La Première Guerre mondiale : le financement par l’épargne forcée


Pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), les États européens ont mobilisé massivement leur population pour financer l’effort militaire. La France, par exemple, a lancé plusieurs emprunts de guerre sous forme d’obligations d’État proposées aux citoyens. L’objectif était d’inciter les ménages à placer leur épargne au service de la défense nationale.


Quelques chiffres :


  • La France a levé près de 55 milliards de francs-or grâce aux emprunts de guerre entre 1914 et 1918.

  • En Allemagne, les emprunts de guerre ont représenté 88 % des dépenses militaires du pays.

  • Le Royaume-Uni a lui aussi émis plusieurs séries d’« obligations de guerre », levant 25 milliards de livres sterling entre 1914 et 1919.


La Seconde Guerre mondiale : le rôle clé des obligations de guerre


Lors de la Seconde Guerre mondiale, les États ont encore plus structuré la mobilisation de l’épargne nationale. Les États-Unis, par exemple, ont largement utilisé les « War Bonds » (obligations de guerre), qui ont permis de récolter 187 milliards de dollars entre 1941 et 1945, soit près de 50 % des dépenses militaires américaines.


Au Royaume-Uni, l’opération « Warship Week » de 1941-1942 a permis aux citoyens d’épargner pour financer la construction de navires de guerre. Chaque ville ou village se voyait attribuer un objectif d’épargne en fonction de sa population, permettant de récolter 955 millions de livres sterling (soit environ 42 milliards de livres en 2018).


3. Le contexte actuel : vers une réquisition de l’épargne en Europe ?


Avec la montée des tensions internationales (conflit en Ukraine, tensions avec la Chine, instabilité au Moyen-Orient), de nombreux pays européens évoquent à nouveau l’idée d’une « économie de guerre ».


Les propositions en France


En mars 2023, Christophe Plassard, député de Charente-Maritime, a proposé la mise en place d’un livret d’épargne de défense, qui permettrait aux Français d’investir directement dans l’industrie militaire. Il a rappelé que :


  • L’encours du Livret A et du LDDS représentait 510 milliards d’euros fin 2022, une somme importante qui pourrait être redirigée en partie vers la défense.

  • L’industrie de défense manque de financement privé, car de nombreuses banques refusent d’investir dans ce secteur jugé « non éthique ».

  • Un « pool bancaire » pourrait être mis en place pour financer directement les petites et moyennes entreprises du secteur de la défense.

Dans cette optique, le gouvernement pourrait chercher à inciter fortement les citoyens à placer leur épargne dans ces fonds dédiés.


Les déclarations de Macron sur l’économie de guerre


En janvier 2024, Emmanuel Macron, lors de ses vœux aux armées à Cherbourg, a exhorté l’industrie de défense à adopter une économie de guerre. Il a insisté sur l’accélération des cadences de production et sur le fait que l’Europe doit investir davantage dans sa propre défense.


En parallèle, au Forum économique mondial de Davos, Macron a déclaré que « l’Europe a beaucoup d’épargne, mais qu’elle est mal allouée », appelant à une réorientation des fonds privés vers des secteurs stratégiques comme la défense et la transition écologique.

Ces déclarations laissent entrevoir un scénario où l’épargne des citoyens pourrait être indirectement mobilisée pour financer les besoins de l’État.


4. La réquisition de l’épargne : un scénario possible ?


Si les États ont historiquement incité à l’achat d’obligations de guerre, il existe aussi des cas où la saisie de l’épargne a été imposée aux citoyens.


Exemple de réquisition en Argentine


En 2001, lors de la crise économique argentine, le gouvernement a gelé les comptes bancaires des citoyens et limité les retraits à 250 dollars par semaine (le fameux « corralito »). Cette mesure a permis d’éviter une fuite massive des capitaux, mais a plongé la population dans une crise sociale et économique dramatique.


Un risque en France et en Europe ?


En Europe, la réquisition de l’épargne reste un sujet sensible, mais des précédents existent. Lors de la crise chypriote en 2013, l’Union européenne et le FMI ont imposé une ponction de 47,5 % sur les dépôts bancaires supérieurs à 100 000 euros dans les banques chypriotes en faillite.


En France, une réquisition forcée de l’épargne est peu probable, mais plusieurs mécanismes permettent déjà à l’État de capter des fonds :


  • L’augmentation des taxes et impôts sur l’épargne (ex. prélèvement forfaitaire unique).

  • L’incitation réglementaire pour orienter l’épargne vers des obligations d’État.

  • Le gel des retraits en cas de crise bancaire (une possibilité légale depuis les nouvelles réglementations européennes).


Conclusion : faut-il s’inquiéter ?


L’économie de guerre est une réalité historique et une tendance qui refait surface aujourd’hui. Si la réquisition forcée de l’épargne reste un scénario extrême, l’orientation de l’épargne des citoyens vers des financements militaires semble être une piste sérieusement envisagée par certains dirigeants.


Les Français possèdent une épargne considérable (plus de 5 900 milliards d’euros selon la Banque de France en 2023), ce qui en fait une cible potentielle pour le financement de l’État en cas d’urgence.


La question demeure : jusqu’où les gouvernements iront-ils pour mobiliser ces ressources ?




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